Expédition des containers de plastiques à recycler vers l’Europe
Cameroun : NAMé Recycling envoie son sixième container
Entretien avec Thomas Poelmans, directeur du développement chez NAMé Recycling.
Les politiques des pays du Sud en matière de gestion des déchets plastiques représentent une question majeure quant à la lutte contre la pollution et le réchauffement climatique. Alors que certains pays ont choisi d'interdire la production et la vente de ces déchets, d'autres mettent le focus sur la mise en place de stratégies de recyclage qui pourraient être bénéfiques pour tous.
Le Cameroun fait partie de ceux qui ont choisi la deuxième option car il cherche à développer le recyclage des matières plastiques, afin de joindre pour ainsi dire, l’utile à l’agréable, et d’apporter sa pierre à l’édifice.
A ce sujet, 3 containers de bouteilles plastiques recyclées en partance pour l’Europe ont d’ores et déjà été envoyés par la société NAMé Recycling.
C’est pour en savoir plus sur cette expédition, et celles à venir, que je suis allée à la rencontre de son directeur de développement : Mr Thomas Poelmans.
Qu’entend-t-on par recyclage de déchets plastiques ?
Il est d’abord important de savoir d’emblée qu’est-ce que c’est qu’un déchet. Pour le non-initié, un objet devient un déchet lorsqu’on veut s’en débarrasser. Cependant, ce qui peut être un déchet pour un tel ne l’est pas forcément pour un autre. Recycler c’est contribuer à la durabilité et à l’économie circulaire. C’est à dire qu’un produit n’est jamais vraiment un déchet. Prenons le cas d’un gobelet en plastique qui une fois utilisé peut être considéré comme un déchet à mettre à la poubelle. Or ce n’est pas vraiment tout à fait un déchet, car on peut le réutiliser pour fabriquer d’autres produits comme par exemple une bouteille, un autre gobelet, une souris d’ordinateur, etc.
Donc, le recyclage c’est éviter de créer des déchets. On réutilise les objets en tant que matière première pour en faire de nouveaux objets. En d’autres termes, recycler c’est donner une deuxième vie aux matières premières. La première raison à cela est que l’on vit dans une pénurie des matières premières. Les ressources de la planète n’étant pas infinies, il faut faire preuve d’intelligence pour réutiliser les ressources qui sont déjà en circulation. La deuxième raison se situe au niveau des coûts de production d’un objet en plastique. Si on tient compte de tous les frais internes et externes, recycler un gobelet en plastique nécessite moins de ressources et peut coûter moins cher que la production d’un gobelet en plastique tiré directement de matières premières vierges.
En quoi ces déchets plastiques sont-ils néfastes pour notre environnement ?
Concernant les déchets en plastiques, il y’a différents impacts : le premier impact est celui de la pollution des mers et des océans qui entraînent de graves problèmes de santé pour la faune et la flore marine.
Le second impact est celui rencontré en dehors des mers et des océans, à savoir l’impact sur la terre ferme. En fait, les matériaux en plastiques retrouvés à la surface de la terre, ont besoin de plusieurs décennies pour pouvoir se dégrader et cela n’est pas écologique du tout.
Le troisième impact quant à lui, est celui de l’incinération des déchets qui lorsqu’elle est effectuée, génère des fumées toxiques nocives pour la santé et l’environnement.
Et enfin, le quatrième impact est celui du gaspillage des matières premières et de l’énergie ce qui est dommage, d’autant plus que cela représente un capital financier important.
Compte tenu du fait que ces matières ont une valeur et qu’on en a besoin, et parce que la population mondiale est de plus en plus croissante, il faut donc faire preuve d’intelligence et de parcimonie quant à l’utilisation de nos ressources.
Quelles opportunités peuvent s’offrir à nous en revalorisant nos déchets plastiques ? Surtout dans les pays du Sud.
En ce qui concerne NAMé Recycling, les opportunités se situent au niveau de l’emploi et de la réutilisation des matières premières recyclés à moindre coût. Nous avons une équipe qui s’occupe de la collecte des bouteilles, une autre qui s’occupe du tri, du pré traitement et du traitement. Ce que NAMé Recycling produit ce sont des granulés purs, qui peuvent être réutilisées comme matières premières.
L’objectif principal étant d’utiliser et de vendre un maximum de ces granulés sur place au Cameroun car d’un point de vue durable, si on peut vendre ces ressources recyclées sur le marché local c’est plus intéressant que de les exporter vers l’étranger.
Aujourd’hui, on remarque qu’au Cameroun il n’existe pas encore une réelle culture de l’utilisation des plastiques recyclés dans les processus de production. Néanmoins, nous avons une bonne collaboration avec la société CAMLAIT qui achète notre plastique recyclé et l’utilise dans la production de leurs produits. Cela reste un défi pour nous de sensibiliser les Camerounais à l’utilisation des matières recyclées plutôt que d’utiliser des matières vierges.
Par ailleurs, on vend sur le marché local mais aussi sur le marché international. S’il y’avait la possibilité d’écouler sur place au Cameroun tout ce que nous produisons alors on vendrait tout sur le marché local. Mais pour le moment, le marché local à lui seul ne suffit pas pour écouler tous nos produits.
Plusieurs containers de granulés en plastique ont été envoyés en Europe pour être recyclés par le biais de votre société. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette expédition ?
Oui !!! Aujourd’hui il y’a six containers qui ont été expédiés du Cameroun vers l’Europe, vendus en Belgique et aux Pays Bas. Pour l’instant nous avons six autres containers qui sont en train d’être préparés pour être mis en route; ces granulés de plastique recyclés sont vendus à des sociétés de référence en Belgique et aux Pays-Bas. Elles s’occupent de la dernière étape du processus de recyclage que l’on appelle le “bottle to bottle recycling”. Car pour produire des bouteilles recyclées, il y’a des standards très élevés et donc ces sociétés partenaires s’occupent de ce dernier processus.
Nous avons des partenariats avec plusieurs sociétés de recyclage. Pour nous c’est très rassurant de voir que la qualité de nos produits permet d’avoir une valeur conforme aux normes internationales. D’ailleurs ce fût l’une des leçons apprises via l’évaluation des autres projets. C’est à dire qu’il y’a beaucoup de gens qui font du recyclage de plastiques certes, mais qui ils n’arrivent jamais à atteindre le degré de pureté et de propreté qu’il faut pour parvenir à être compétitif sur le marché international. C’est un véritable savoir faire dont nous disposons grâce à l’expérience de notre équipe internationale.
Pourquoi ne peut-on pas les recycler localement ?
Réaliser du "bottle to bottle recycling" est une chose qu’on envisage de faire, mais qui nécessite un autre investissement considérable. On envisage de recycler sur place à partir de 2018 ou 2019, une fois que la quantité de nos produits à recycler sera suffisamment élevée. Cela représente une option réelle à mettre en œuvre et est l’option préférée d’un point de vue économique et durable.
Cependant, si un investissement d’une telle envergure vient à être effectué, il faudrait que nos machines puissent tourner à temps plein et surtout qu’il y’ait un suivi et encadrement dans leur utilisation faute de quoi on ne pourrait pas couvrir tous les fonds injectés.
Quelle est la procédure à suivre pour un tel aboutissement ?
Il y’a plusieurs procédures à suivre au niveau de l’exportation par le pays émetteur, en l’occurrence, le Cameroun, mais aussi au niveau de l’importation par les pays récepteurs situés en Europe. Il est question ici du transport des déchets et des règles en vigueur à respecter au niveau de la convention de Bâle, des procédures des pays OCDE, de l’UE, etc. Il faut savoir assurer aux autorités et aux clients que les matières ne sont pas polluées, qu’elles sont propres et non dangereuses pour la santé et l’environnement. A ce sujet, mon expérience acquise dans ce domaine, pour avoir travaillé avec des entreprises qui exportaient et recyclaient des déchets électriques et électroniques, m’a permis d’être bien outillé dans le domaine des transports transfrontaliers des déchets.
Vous est-il arrivé de rencontrer des difficultés relatives à l’envoi de ces containers ? Comment arrivez-vous à les solutionner et qu’est-ce que cela implique financièrement ?
Le coût de telles expéditions est important d’où notre souhait de vendre au maximum sur le marché local. Mais compte tenu du fait qu’aujourd’hui il n’y a pas beaucoup de clients pour les plastiques recyclés au Cameroun, tout ceci représente un coût qu’on accepte et que l’on supporte. Des coûts qu’on essaiera cependant de réduire de plus en plus et au fur et à mesure. Au sujet de l’aspect administratif, nous avons pu négocier de bons arrangements avec nos partenaires logistiques locaux, sans oublier qu’une société de transport est l’un des actionnaires chez NAMé Recycling. Tout ceci permet d’optimaliser les coûts de transports et de faciliter la collaboration.
Combien de containers comptez-vous envoyer dans le futur ?
Nous étions jusqu'à il y'a peu à quatre containers par mois, soit un container par semaine. Nous venons de passer à six containers. Et notre objectif est d’arriver à envoyer au moins dix containers par mois.